Covid-19 et droit social : ce que dit le droit marocain

  • Est-il possible de réduire la durée du travail d’un salarié, voire de suspendre son contrat de travail durant la période de crise sanitaire ?

Selon le droit marocain, il est en effet possible de réduire le temps de travail d’un salarié, ce qui constitue une disposition novatrice du Code du travail marocain. Il est possible de réduire le temps de travail après en avoir informé les représentants des salariés, mais sans qu’il ne soit obligatoire d’obtenir leur autorisation. Pour les entreprises qui comptent moins de 10 salariés et donc qui n’ont pas de représentant des salariés, je ne pense pas que le législateur ait souhaité que ce dispositif ne leur soit pas applicable, à mon sens, dans ce cas, il faut en informer chaque salarié. 

La période de réduction du temps de travail ne doit pas dépasser 60 jours par an (continus ou non).

Les cas de suspension du contrat de travail sont définis par le Code, qui prévoit en effet la suspension du contrat de travail en cas de cessation d’activité résultant d’une décision administrative ou bien, pour cas de force majeure.

  • Est-il possible de licencier un salarié pour cause de « chômage technique » ?

Le chômage technique n’existe pas au Maroc et à ce jour, il n’y a pas de dispositions spécifiques promulguées visant le contexte que vivent les entreprises en raison du COVID. Par conséquent, il est possible de licencier un salarié dans les cas prévus par le Code du travail marocain, à savoir pour faute non grave graduellement, pour faute grave ou en cas de licenciement pour motif économique et structurel. Dans ce dernier cas, la procédure est détaillée par la loi et implique la concertation avec les représentants syndicaux et l’autorisation de procéder à ce plan de licenciement par l’autorité gouvernementale. Une commission se réunit pour analyser les motifs et informations envoyés par l’entreprise. En pratique, cette autorisation n’est que rarement accordée.   

  • Est-il possible pour les entreprises et les administrations de recourir au télétravail ?

Oui, le télétravail est possible. Il n’est pas encadré par une loi et à mon sens les articles du Code du travail qui font référence au travail à domicile ou aux travailleurs à domicile ne sont pas tout à fait adaptés et sont aujourd’hui cités dans le contexte du COVID pour donner une base légale à une pratique en cours. 

Il est tout à fait possible d’y recourir unilatéralement et de prévoir (ou d’adapter si l’on fait partie d’un groupe multinational) une charte qui encadrera les conditions du télétravail à savoir quand il peut être demandé, à quelle population de salariés, les horaires, les modalités de contrôle du travail effectué et enfin, les obligations des salariés et de l’employeur. 

  • Est-il possible de mettre en quarantaine un salarié suspecté d’être porteur du virus ?

L’employeur a une obligation générale de sécurité vis-à-vis de ses employés. Dès lors, si un salarié est susceptible d’être porteur du virus, il n’est pas possible de le mettre en quarantaine au sein de l’entreprise et de le faire travailler dans ces conditions. Il n’est pas non plus possible de lui imposer de ne pas venir au travail sans le rémunérer.

L’employeur demande au salarié de passer une visite médicale. Si le diagnostic est confirmé ou que le médecin considère que c’est une mesure de prudence compte tenu des indices recueillis, l’employé sera confiné à son domicile et il sera en arrêt maladie. Si le diagnostic n’est pas confirmé, l’employé sera de nouveau opérationnel. En aucun cas, l’employeur ne doit se substituer au corps médical.

  • Existe-t-il un droit de retrait des salariés au Maroc (secteur public et secteur privé) ?

Le droit de retrait n’existe pas en droit marocain et à ma connaissance, en droit français, il n’est pas prévu dans le contexte du COVID. Au Maroc, dans l’hypothèse où un salarié souhaite invoquer ce droit, il sera peut-être considéré que c’est une absence justifiée mais qui ne sera pas rémunérée. En revanche, si en amont, l’employeur a mis en œuvre toutes les mesures d’hygiène et sécurité utiles, une telle absence sera injustifiée et non rémunérée.

  • Les salariés dont le temps de travail est réduit voire supprimé ont-ils droit au versement de leur salaire ?

Oui, leur salaire ne peut être réduit de plus de 50 % de leur salaire perçu normalement. Il est possible de déroger exceptionnellement à cette règle et de verser moins, mais après avoir obtenu l’autorisation des représentants des salariés et de l’autorité gouvernementale.

Par ailleurs, la suspension du contrat de travail conduit à l’absence de versement de salaire.

  • Existe-t-il des voies de recours pour les salariés s’estimant lésés dans de pareilles circonstances ?

Oui, il est toujours possible pour un employé de recourir au juge s’il conteste la procédure qui a été mise en œuvre ou les motifs de la suspension ou encore s’il n’a pas perçu le montant du salaire prévu. C’est au juge ensuite d’apprécier si l’employeur a bien respecté les dispositions légales ou de contrôler a posteriori l’existence de la force majeure.

Lina FASSI-FIHRI, associée gérante LPA-CGR à Casablanca, avocate au Barreau de Paris

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Angelique Azzi

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